Le paludisme demeure un problème de santé publique majeur, en particulier en Afrique. Selon le rapport mondial sur le paludisme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) publié en 2024, environ 263 millions de cas de paludisme ont été recensés en 2023, entraînant 597 000 décès. L’Afrique représente 94 % de ces cas et 95 % des décès liés au paludisme. Un peu plus de la moitié de ces décès sont survenus dans quatre pays de l’Afrique : Nigeria (30,9 %), République démocratique du Congo (11,3 %), Niger (5,9 %) et République-Unie de Tanzanie (4,3 %).[1] 

Dans le même rapport, l’OMS souligne que la région ouest africaine en majorité francophone, représente 48 % des cas de paludisme et 52 % des décès dus au paludisme dans le monde, alors qu’elle ne représente que 10 % de la population mondiale exposée au risque de paludisme. 

Dans un rapport publié par ALMA (African Leaders Malaria Alliance) sur l’incidence du Paludisme en Afrique en 2024, outre ses ravages sur la santé, le paludisme impose une lourde charge économique aux États membres. Dans les régions endémiques, la maladie amoindrit la croissance annuelle du PIB jusqu’à concurrence de 1,3 % et peut causer jusqu’à un demi-milliard de journées de travail perdues chaque année en Afrique. Les résultats d’une étude récente indiquent que l’élimination pourrait renflouer le PIB à hauteur de 127 milliards de dollars sur l’ensemble de l’Afrique à l’horizon 2030 (réf ALMA).

À la croisée de la lutte contre ce fléau en Afrique, l’avancé reste au point mort dans la plupart des États membres de ALMA[2]. Les objectifs intermédiaires fixés pour 2025 échappent au continent et le rêve de l’élimination du paludisme à l’horizon 2030 semble de plus en plus précaire.

Quelles solutions pour y parvenir?

Pour y faire face, l’action multisectorielle est fondamentale, y compris sous la forme d’efforts concertés des secteurs de l’agriculture, de l’éducation, de l’environnement, de l’administration locale et de l’infrastructure, pour opposer une riposte holistique au paludisme. Mais face à ce fléau, une évidence s’impose : les solutions techniques ne suffisent pas si elles ne sont pas portées et relayées par les communautés elles-mêmes.

Dans ce contexte, l’engagement communautaire de plus en plus reconnu comme un levier essentiel pour la prévention et l’amélioration de la prise en charge s’offre comme une alternative crédible pour mettre fin au paludisme.

Qu’est-ce que l’engagement communautaire dans la lutte contre le paludisme ?

L’OMS définit l’engagement communautaire comme « un processus qui permet aux populations de participer activement et véritablement à la définition des questions qui les concernent, à la prise de décisions sur les facteurs qui affectent leur vie, à la formulation et à la mise en œuvre de politiques, à la planification, au développement,  à la fourniture de services et à l’action en faveur d’un changement actif ».

L’engagement communautaire dans la lutte contre le Paludisme fait alors référence à l’implication active, structurée et significative des communautés les plus touchées par le paludisme dans la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des réponses à ces maladies. Cela implique non seulement leur participation, mais aussi le renforcement de leurs capacités et la reconnaissance de leur leadership dans les processus décisionnels liés à la lutte contre le Paludisme.

Concrètement, cela signifie que les communautés doivent être écoutées, considérées comme des partenaires à part entière, et dotées des moyens nécessaires pour influencer les politiques, les financements et les interventions de santé. Leur expertise issue du vécu est essentielle pour garantir des réponses de santé efficaces, équitables et centrées sur les droits humains.

L’Engagement Communautaire, n’est-il pas une alternative crédible au contexte africain ?

Les communautés, en tant qu’acteurs de premier plan, jouent un rôle crucial dans la diffusion des informations de santé, l’encouragement des comportements préventifs et le soutien aux systèmes de santé. Leur engagement favorise ainsi une adoption accrue des mesures préventives et facilite la détection précoce des cas, ce qui améliore la prise en charge du paludisme. 

L’Engagement Communautaire dans la lutte contre le Paludisme, constitue ainsi un levier de plus en plus reconnu comme indispensable pour évaluer et lever les obstacles liés aux droits humains et au genre qui entravent l’accès aux services de lutte contre cette maladie.  Des initiatives comme l’outil « Malaria Matchbox » et d’autres outils d’évaluation de l’équité aident les pays à identifier les populations, les groupes ou les personnes les plus touchés par le paludisme.

Quelles illustrations donnent l’espoir quant à la place de l’Engagement Communautaire dans la lutte contre le paludisme ?

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a certifié le Cap Vert comme un pays exempt de paludisme, ce qui constitue une grande conquête dans le domaine de la santé mondiale. Avec cette annonce, le Cap Vert rejoint les 43 pays et le territoire déjà certifiés par l’OMS.

Le Cap Vert est le troisième pays obtenant cette certification dans la Région africaine de l’OMS après Maurice et l’Algérie, certifiés respectivement en 1973 et 2019.

Dans son rapport de certification de l’élimination du paludisme au Cap Vert, l’OMS a cité trois facteurs clés de cette réussite dont le 3ème pilier est l’Engagement Communautaire. Ainsi, les 3 facteurs clés cités dans le rapport se présentent comme suit :

–  La collaboration entre le Ministère de la santé et différents services gouvernementaux œuvrant dans les domaines de l’environnement, l’agriculture, les transports, le tourisme, etc., a joué un rôle central dans le succès du Cap Vert ;

– La commission interministérielle de lutte anti vectorielle, présidée par le Premier Ministre, a joué un rôle clé dans l’élimination du paludisme ;

– Le travail de collaboration avec les organisations communautaires et les ONG, ainsi que la mobilisation de ces dernières, a démontré l’importance d’une approche globale de la santé publique dans l’élimination du paludisme au Cap Vert.

Dans sa déclaration, Docteur Matshidiso Moeti, en ce temps, Directrice Régionale de l’OMS pour l’Afrique, elle a clairement ressorti l’Engagement communautaire comme un facteur clé à considérer comme suit : « La réussite du Cap-Vert est un rayon d’espoir pour la région africaine et au-delà. Elle démontre qu’avec une volonté politique forte, des politiques efficaces, un engagement communautaire et une collaboration multisectorielle, éliminer le paludisme est un objectif atteignable ».

Dans un article publié par le Fonds mondial en 2023, il est ressorti des évaluations de l’outil Malaria Matchbox, que le leadership communautaire, par le biais de dialogues, a facilité l’allocation de ressources plus près des communautés, permettant l’identification en temps opportun des défis et des solutions locales pour lutter contre le paludisme.

L’engagement communautaire est donc un levier très important dans la lutte contre le paludisme. Les gouvernements des pays endémiques, afin de venir à bout de cette pathologie, devront donner une place plus importante à ce maillon fort de la lutte.

Ensemble, nous vaincrons le paludisme !

Le Hub d’apprentissage – Afrique francophone (HRF)


[1] Parmi les 11 pays les plus touchés par le paludisme, 5 sont de l’Afrique francophone (Burkina Faso, Cameroun, Mali, Niger et la RDC.

[2] L’Alliance des dirigeants africains contre le paludisme est une coalition de chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine créée pour encourager la redevabilité et l’action en vue d’obtenir des résultats pour l’élimination du Paludisme d’ici 2030.  Fondée en 2009, ALMA regroupe 55 chefs d’État et de gouvernement africains.